On quitte l'Argentine une deuxième fois pour entrer au Chili que nous ne connaissons pas du tout. Nous prenons « el paso de Futaleufu ». On balise un peu pour le passage en douane car le Chili est très rigide sur le sujet: pas de fruits ni de légumes; pas de viande; pas de produits laitiers; pas de bois même pour l'artisanat si ce n'est pas vernis; pas de miel... Autant dire qu'avec nos arcs, nos flèches, nos instruments de musique, notre miel fermier, notre huile d'argan sans compter le fromage et nos litres de laits vitaux pour le petit-dej'/nesquik... on est mort! On a bien tout planqué mais on ne sait pas du tout comment cela va se passer... L'auto-stoppeuse chilienne qui est avec nous raconte qu'elle même a passé de la viande plein de fois mais que parfois, avec son mari, ils se font arrêter et tout vider dans la voiture. S'il nous font ça, on est mal car on en a pour la journée! En fait, pour tout contrôle, ils ont ouvert la voiture et ont pris des bouts de bois laissés en appât par les filles... On a bien signé la feuille spécifiant qu'il n'y avait rien d'interdit dans la voiture et pis c'est tout. Soulagés!
On arrive à Futaleufu, gros spot de rafting pour les professionnels: la rivière est vraiment impétueuse. On est dans des paysages de montagnes magnifiques et nous suivons la rivière. Nous avons laissé notre auto stoppeuse au village pour dormir un peu plus loin. Nous avons un rendez vous le lendemain avec les copains à Puerto Cisnes, au centre ville, à 18h. Il doit nous rester 250 km. En une journée cela devrait être bon...
Au réveil, il pleut des cordes. Autant dire qu'on remballe vite et qu'on prend la route assez tôt. Il pleut à torrents toute la journée. On est sur la route australe chilienne. Nous nous engageons dans une région désenclavée du reste du pays depuis les années 80 par des grands travaux routiers initiés par... Pinochet! Ici il peut pleuvoir 2 mètres 50 par an. La moyenne en France est d'environ 800 mm pour avoir une idée... Pas surprenant que tout soit très vert et luxuriant. C'est assez bizarre parce qu'on se croirait dans une forêt tropicale sauf qu'il caille. Il y a des plantes avec des feuilles de 1 mètre de diamètre. Les paysages sont superbes et très dépaysant mais on ne peut pas en profiter car il pleut vraiment trop. Pourquoi sommes nous ici alors? Tout simplement car les XIe et XIIe régions du Chili sont réputées sauvages et abritent de très belles forêts natives. De plus, la tentation de s'introduire dans ces zones de canaux abritant des glaciers et les plus grands parcs naturels au monde est trop forte... En attendant, la route est mauvaise: on n'avance pas et on mettra la journée pour faire nos 250 km. On a pris un clodo en stop. Je suis à l'arrière avec les filles et ça fouette dans la voiture. On a hâte d'arriver car en plus, les copains nous attendent!
En fin de journée, enfin, on les trouve sur la place du village de Puerto Cisnes. Il y a la famille Lebris rencontrés à Valdès (Valérie, Yan et leurs 3 filles); Emilie et Bertrand, les gais lurons qu'on suit de loin depuis Misiones. Emile ne nous a pas vus depuis Valdès, ça fait un mois, il me saute au cou et je suis toute jouasse. Il y a également Régis et Virginie. Nous ne les connaissons pas mais ils voyagent avec Emilie et Bertrand, dans leur camping car, depuis quelques jours.
Les pauvres galèrent sous la flotte. Les Lebris ont la voiture qui fuie; les duvets trempés et les mochileros (auto stoppeurs en espagnol) ont été inondés dans leur tente. Tout le monde est unanime: on se loue une cabane pour faire les fêtes correctement. On va au camping du coin et nous y trouvons une cabana correcte avec une vraie cuisine, une salle de bain, une baignoire. Il y a de l'eau chaude et surtout un poêle pour se réchauffer. On rêve tous d'un peu de confort. On s'installe. On est heureux de se revoir et de se raconter le dernier mois passé.
Le lendemain, on va au village pour trouver de quoi faire les fêtes: fruits, légumes, fromage local... On cherche du poisson mais on ne trouve pas. Où sont les monstrueux crustacés chiliens? On est pourtant au bord de la mer! Pas si près que ça en fait... Avec les canaux innombrables dans cette zone, l'océan pacifique est éloigné. Le village est un peu désolé. Il n'arrête pas de pleuvoir et du coup, il n'y a pas grand monde dehors. C'est un peu tristoune mais on s'en fiche car on est tout jouasse de faire les fêtes ensemble. Il y aura 7 enfants en tout qui pourront partager également ce moment entre amis. Il y a aussi 8 adultes avec Régis et Virginie qui ont une pêche d'enfer. Nous sommes heureux de faire leur connaissance. Chacun a des trésors dans son véhicule: terrines; chocolat; saucisses; vins; bières... Avec tout ça et beaucoup de chaleur humaine, tout se passe super bien. On envoie l'asado sous la pluie. Les voisins chiliens nous ont offert un gros morceau de viande et en retour, nous les invitons à passer les fêtes avec nous. Selon eux, ils n'accordent pas autant d'importance que nous à ce réveillon. Ils font un repas le 25 au midi et leurs enfants se font plutôt offrir des vêtements. Ils découvrent nos playmobils et en profitent bien. Un couple de belges se joint à nous au dernier moment. Une fois les chaussons installés sous le minuscule sapin en plastique et les enfants couchés, les parents emballent les derniers cadeaux et c'est chouette de voir toutes ces chaussures étalées à côté du poêle. Le réveil du matin est aussi magique que d'habitude: les enfants ouvrent leurs cadeaux les yeux émerveillés. Emile et Eloi croient encore au père Noël et ils sont tout excités. Même s'il y a forcément moins de volume que d'habitude il n'y en a pas un pour râler. Tout le monde est content!
Nous sommes invités le midi chez les propriétaires de la cabane avec les voisins. Ils grillent un cordero (un agneau entier). Ca dure des heures; ça picole; ça mange à tout bout de champ, bref pas très différent de chez nous si ce n'est l'immense cordero grillant au milieu de la cheminée toute aussi gargantuesque; la gourde d'alcool circulant entre les hommes et la cumbia (musique traditionnelle chilienne) résonnant à fond la caisse à nos oreilles. C'est super bon et très chaleureux.
Chacun de nous pense à ses familles respectives. C'est évident qu'on aurait aimé être près de nos proches mais on n'est pas seuls!
Nous passons une dernière nuit tous ensemble et le lendemain, nous faisons le ménage pour se séparer de nouveau. Nous nous dirigeons vers le sud et les amis vers le nord. Pour la famille Lebris, le compte à rebours a commencé car ils repartent en France fin janvier. J'avoue que j'aurais bien prolongé le séjour avec les amis dont nous n'avons pas profité très longtemps, dans cette cabane bien sympathique et au chaud, surtout qu'il n'a pas arrêté de pleuvoir pendant tout notre séjour et que nous partons sans surprise... sous des cordes!
Décembre 2009 : El Noël austral |
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